Me Caroline Rhéaume, Avocate, M.fisc., TEP

Pourquoi refuser une économie d’impôt de 230 000 $ ?

L’exonération cumulative des gains en capital pour 2020 est de 883 384 $. Cette exonération permet notamment de vendre des actions d’une société privée qui exploite une entreprise et de profiter d’une économie d’impôt d’environ 230 000 $ lorsque les actions remplissent certains critères. On parle aussi souvent de déduction pour gains en capital. Comme seulement la moitié des gains en capital réalisés sont imposables, la déduction qui peut être réclamée est de 441 692 $.

Seule une personne physique peut réclamer cette déduction. Il existe toutefois certaines stratégies permettant de multiplier cette déduction ou de la doubler.

Prenons le cas de Pablo. Ces jours-ci, il est plutôt malheureux. Lors de l’incorporation de son entreprise en 2011, il a choisi de ne pas mettre de fiducie familiale en place. Il trouvait cela trop coûteux. Il a vendu son entreprise pour 2 500 000 $ le 10 janvier 2020, alors qu’il avait payé ses actions 10 $. Comme il était l’unique actionnaire, il peut réclamer sa déduction pour gains en capital, mais il devra payer des impôts sur le gain excédentaire, pour une facture d’impôt d’environ 420 000 $. S’il avait mis une fiducie familiale en place, il aurait pu multiplier la déduction pour gains en capital avec des membres de sa famille. La fiducie aurait pu vendre les actions de la société, attribuer la portion imposable du gain en capital à trois bénéficiaires de la fiducie qui auraient réclamé la déduction pour gains en capital, et la société de Pablo aurait pu être vendue sans impôt. La portion non imposable du gain en capital demeurant dans la fiducie, Pablo aurait aussi pu recevoir cette somme de la fiducie. Un impôt minimum de remplacement peut toutefois être payable, mais on peut généralement le récupérer sur sept ans.

Ninon, de son côté, a oublié de faire ajouter une clause de double option dans sa convention entre actionnaires. Au moment de son décès, le 1er février 2020, ses actions avaient une valeur de 1 500 000 $. Les coactionnaires de Ninon ont acheté ses actions en vertu d’une obligation d’achat-vente prévue dans la convention. La déduction pour gains en capital pourra être réclamée lors de la production des dernières déclarations de revenus de Ninon. Toutefois, si une clause de double option avait été prévue dans la convention entre actionnaires, son conjoint aurait pu réclamer sa propre déduction pour gains en capital. En doublant la déduction pour gains en capital, la vente aurait pu se faire sans impôt.

Évidemment, chaque situation doit être analysée avec soin, mais les honoraires versés à des juristes et des fiscalistes compétents pour la mise en place d’une fiducie familiale ou d’une convention entre actionnaires sont rarement de folles dépenses.